3 questions à ... Lucie Bourreau Dutta,
co-créatrice avec Bapan Dutta de Mii

En 2013, le duo lançait sa collection d’accessoires avec notamment de superbes foulards. Puis en 2018, Mii élargissait son offre au prêt à porter. Derrière ce succès se cache la force d’un couple qui sait marier ses doubles origines françaises et indiennes et qui a fait le choix de l’engagement. C’est en effet, dans son atelier en Inde et dans un village de tisserands que Mii fabrique l’ensemble de ses collections. Une belle façon de soutenir des artisans mis en danger par la fast fashion.
Pourquoi avoir fait le choix de travailler entre la France et l’Inde ?
Bapan et moi, nous sommes rencontrés à l’Ecole des Arts Décoratifs de Paris en Design Textile. Nous sommes tombés amoureux et… Mii est né ! En 2009, nous sommes allés tous les deux en Inde, le pays de Bapan et nous avons rencontrés de nombreux artisans. Beaucoup nous ont parlé de leurs difficultés à vivre de leur métier. La plupart ne trouvait plus de débouchés à leurs savoir-faire notamment à cause de l’explosion de la fast fashion qui implique, par exemple, de tisser avec des machines automatiques et plus à la main. Nous avons eu envie de participer à la sauvegarde de ces savoir-faire. Mii s’est donc construit autour de ce projet qui correspondait aussi à nos envies créatives. Travailler en direct avec des artisans, c’est, en effet, pouvoir avoir des tissus exclusifs, twister des textiles selon ses envies, être souples sur la fabrication d’échantillons, être indépendants… Cela impliquait d’avoir notre propre atelier. Pour cela, il a fallut, bien sûr, acquérir les bons réflexes. Pour Bapan c’était plus simple car c’est son pays. Mais pour moi qui suis française, c’était plus complexe. En Inde, les relations de travail se mêlent aux relations personnelles, ce qui est très différent de la France. Il y a de très nombreux facteurs à prendre en compte pour organiser les process. Ils sont culturels, économiques voire même climatiques, la période de mousson rendant le tissage plus difficile car les fils ne sèchent pas… Les premiers temps ont nécessité un véritable apprentissage et cela a été extrêmement enrichissant. Cette volonté de faire coexister deux cultures influence notre façon de créer et cela à la manière de vases communiquants. Nous pouvons partir d’une inspiration liée à l’art, à la littérature, et la traduire à travers différentes techniques développées dans notre atelier, ou, à l’inverse, découvrir une technique et avoir envie de l’utiliser dans nos collections.
Comment organisez-vous le travail entre l’Inde et la France ?
Au début de l’aventure Mii, nous étions en Inde en permanence. Comme nous sommes partis de rien, nous devions tout construire. On a testé, on s’est corrigé… jusqu’à avoir notre atelier et pouvoir maîtriser ainsi notre production de A à Z. Aujourd’hui, cet atelier emploie une centaine de personnes, des brodeurs, des imprimeurs, des équipes dédiées au patronage, au montage, au développement de collections. Nous sommes également capables d’y faire du tricot, du crochet. L’ambiance y est familiale : nous tenons à cette proximité. Pour le tissage, nous avons choisi de collaborer, depuis le début, avec tout un village. La tradition veut que les tisseurs aient deux ou trois métiers chez eux et travaillent à leur domicile. Avec la demande internationale, beaucoup d’artisans ont quitté leurs villages pour aller travailler dans les grandes villes. Nous ne voulions pas participer à ce mouvement, nous tenions à préserver les pratiques qui contribuent à faire vivre de petites communautés. Et nous pouvons voir les fruits de ce choix : les maisons de nos tisseurs s’agrandissent, deviennent plus confortables. Si au départ, nous étions beaucoup en Inde, je n’y vais désormais que pendant les collections et Bapan une fois par mois. Malheureusement, avec la crise sanitaire, ces déplacements n’ont pas pu se faire. Le confinement en Inde a été très difficile. Nous avons décidé de continuer à payer tous nos artisans. Et quand nous avons pu reprendre la production, nous avons dû travailler à distance. Et le résultat est exceptionnel ! Les équipes se sont formidablement investies et nous avons reçu une magnifique collection ! Ce type d’épreuves permet de constater la force d’un engagement en faveur du collectif.
Ce sens du collectif le retrouvez-vous dans le pop up store Talents auquel vous participez ?
Oui, évidemment ! Ce Pop-Up store est, bien sûr, une vitrine pour notre dernière collection de prêt à porter Mii à l’école mais c’est aussi une expérience festive. Nous sommes avec les autres marques ayant participé au programme Talents. Et c’est très agréable. Nous sommes tous très différents, il n’y a donc aucune concurrence entre nous. Au contraire. Durant le programme, l’échange a toujours été de mise. Quand on est entrepreneur, on se sent parfois seul, mais avec Talents, on peut se pencher ensemble sur des problématiques communes. Pour ce Pop-Up store, nous unissons encore une fois nos forces pour que ce soit avant tout un bel événement qui reflète l’importance des synergies et, bien sûr, du collectif.