3 questions à Christine Walter-Bonini
Présidente de l'Académie internationale de coupe de Paris et ex-directrice générale d'Esmod Paris

Présidente de l’Académie internationale de coupe de Paris (AICP), l’ex-directrice générale d’Esmod Paris, a succédé à Jean-Philippe Vauclair qui a dirigé l’école pendant 50 ans et demeure Président d’honneur. Tout en prônant une nouvelle quête de l’agilité, elle poursuit le travail effectué en matière d’excellence.
Quels sont les profils de vos étudiants et les types de formations ?
Nous avons 300 étudiants français et internationaux – majoritairement des Japonais, des Chinois, des Coréens, très doués pour les métiers de la main et qui veulent apprendre à maîtriser notre méthode de la coupe à plat. Quand ils se présentent, nous leur expliquons qu’ici il ne s’agit pas de faire du stylisme. Que nous enseignons un métier technique et que notre but n’est pas de former des créatifs. Une fois ce postulat intégré, nous accueillons des profils très variés. Nous avons des bacheliers qui suivent d’abord une classe préparatoire pour apprendre les bases. Nous avons aussi des étudiants ayant des BTS et des CAP mode. Selon leur cursus, ils entrent directement en première année ou font une prépa courte. Tous nos étudiants sont en lien avec le monde professionnel soit parce qu’ils passent par la case stage, soit parce qu’ils sont en alternance. Notre spécificité, la côte de l’école – même s’il me semble que nous devons encore gagner en notoriété – mais aussi notre exigence, la qualité de nos enseignements, leur permettent de trouver du travail en six mois maximum. Certains intègrent une entreprise directement après le diplôme. D’autres passent par l’intérim avant d’être embauchés ou montent leur structure. Nous avons aussi développé la formation continue permettant des reconversions, des montées en compétences… Enfin, de plus en plus d’entreprises, que ce soit des maisons de couture, des structures spécialisées dans le luxe, le prêt à porter, des créateurs, dans le masculin comme dans le féminin, nous contactent pour des programmes sur mesure, souvent sur des sujets techniques très précis.
Quels sont les enjeux à venir pour une école, symbole d’excellence, qui existe depuis 1830 ?
L’école est une référence en matière de coupe à plat. Pour l’intégrer, il faut avoir le goût de l’effort car, à l’AICP, c’est la semaine de 35 heures. Les cours requièrent de nombreuses compétences mathématiques, géométriques… afin de d’acquérir l’excellence technique. C’est pourquoi j’aime dire que nous formons des « architectes du vêtement », des professionnels qui vont être capables d’interpréter le vêtement et non pas de l’illustrer. Ici, la patience est au cœur de tout : nos étudiants peuvent passer deux heures à travailler sur une épaule. Mais nous devons aussi, plus que jamais, leur apprendre la polyvalence, l’agilité, la capacité à évoluer dans différents secteurs en nous appuyant sur l’air du temps. Si nous avons depuis longtemps intégré les enjeux digitaux et les problématiques de RSE, nous développons actuellement de nouvelles approches plus ouvertes. Ainsi, au printemps dernier, nous avons demandé aux étudiants de réaliser des look books. Ces travaux ont été intégrés dans nos supports de communication. C’est une forme de tremplin. Nous souhaitons également être de plus en plus à l’écoute des professionnels et répondre à leurs besoins. Nous avons constaté qu’ils étaient à la recherche de jeunes formés au développement produit, une fonction qui est au centre de tout. Il faut maîtriser la coupe mais aussi orchestrer le sourcing, les relations avec les bureaux de style, les commerciaux… Nous allons donc proposer dès 2022 une formation correspondant à ce poste.
On dit qu’il y a un intérêt croissant pour les métiers manuels, l’artisanat. Faites-vous également ce constat ?
Tout à fait. La période Covid a sans doute été propice à la réflexion sur la valeur du travail. On a enfin conscience que la main est essentielle dans tous les domaines. Je dis souvent qu’elle est le point de départ, les fondations de la maison. Sans elle, pas d’excellence. Les métiers de la main, comme le modélisme, ont plus que jamais du sens car ils sont liés à la qualité. Face à la fast fashion, les jeunes sont de plus en plus nombreux à chercher les belles matières, les belles coupes. Nous sommes en train de changer de paradigme et c’est passionnant.