3 questions à Gaëlle Drevet
Fondatrice de The Frankie Shop

La fondatrice de The Frankie Shop revient sur les clés du succès de sa marque. Partis pris stylistiques, e-commerce, boutiques à New York et Paris…  Focus sur un développement unique.

Quelle est l’histoire de The Frankie Shop ?

Je suis franco-américaine et j’ai vécu 25 ans à New York. Fin 2014, j’ai ouvert un concept store, The Frankie Shop, avec des marques exclusives, souvent de jeunes designers, à des prix raisonnables, dans le Lower East Side. Je venais de l’univers de la mode et j’avais déjà une adresse mais j’avais besoin d’un nouveau projet. Assez vite, poussée par mes proches, le boum des influenceuses, les journalistes…, et alors que j’y étais plutôt réfractaire, j’ai lancé le e-shop le jour de Thanksgiving en 2015. Le vestiaire que je proposais en ligne comme dans la boutique new-yorkaise – et c’est d’ailleurs toujours le même esprit- était très personnel : élégant, minimal, androgyne. Un everyday workwear accessible. Cela a très vite fonctionné. Pour des raisons personnelles, je suis venue vivre à Paris en 2017. J’ai tout de suite décidé d’y ouvrir une boutique. J’ai repris une petite maison au 14 rue Saint-Claude dans le 3e arrondissement. Il y avait l’espace de vente avec toutes les collections mode et lifestyle au rez-de-chaussée et les bureaux au-dessus. Nous faisions tout nous-même dans cet endroit. Même les photo-shoots se faisaient, là, dans la rue. Nous étions une petite équipe très ancrée dans le réel. C’est, sans aucun doute, ce côté très « approchable » qui a plu et plaît encore. Le style et le stylisme de The Frankie Shop ont très vite fait la différence : nous proposions dès nos débuts une façon d’assembler les pièces qui permettait de se projeter dans notre vestiaire. On pouvait s’identifier également à nos mannequins. The Frankie Shop est ainsi devenue une sorte d’adresse secrète que l’on se transmettait de façon un peu confidentielle. Ce bouche-à-oreille a été central dans notre développement et dans notre reconnaissance. Bien sûr, depuis, nous avons grandi. Nous avons ainsi ouvert une deuxième boutique au 7 rue Saint-Claude en face de la première. Mais la philosophie est toujours la même et notre communauté toujours aussi soudée autour de nous. La preuve, nous avons 1,1 million de followers sur Instagram. Un chiffre qui ne cesse d’augmenter.

The Frankie Shop est installée en France et aux États-Unis : l’offre est-elle spécifique à chaque marché ?

Ma volonté est d’avoir la même offre pour le marché français et américain. Nos boutiques sont situées dans deux villes internationales : elles attirent une clientèle locale mais aussi beaucoup d’étrangers. On vient chez nous pour nos silhouettes oversize, mix and match : celles que l’on voit sur les réseaux sociaux. Et ce sont ces mêmes looks que l’on trouve à Paris et à New York. Il n’y a pas de différence.

Comment définissez-vous votre développement ?

Comme je l’expliquais notre succès est intimement lié au bouche à oreille. Pour moi, notre développement est totalement organique. Et également énergique. Tout bouge très vite chez The Frankie Shop. Ainsi, j’ai lancé le site américain au début de l’aventure à New York. Mais je me suis, assez rapidement, rendue compte que les frais de ports pour les européens étaient beaucoup trop élevés. J’ai donc ouvert un site européen en 2017. Quelques semaines plus tard, nous proposions notre propre collection pour Net-à-Porter. C’était formidable. Cette collaboration avec le premier site de e-commerce de luxe était une manière d’établir un contact avec une autre clientèle. En 2022, j’ai installé l’homme : c’était dans la continuité de mon travail puisque nos silhouettes sont depuis toujours très gender fluid. En 2017, il y a eu la première boutique parisienne, puis la reprise de l’espace lui faisant face rue Saint-Claude qui a nécessité une réorganisation. Nous avons choisi de présenter le lifestyle, l’homme et l’unisexe dans la boutique « historique » et la collection femme quant à elle est visible au 7 de la rue.  Actuellement à New York, la première boutique est fermée pour rénovation mais elle va rouvrir dans quelques semaines. Et nous allons également inaugurer un nouvel espace à Soho. Le e-commerce est un élément central de notre business mais les boutiques sont essentielles. Elles sont devenues des destinations. C’est pourquoi je réfléchis aussi à un concept un peu différent pour notre nouvelle adresse new-yorkaise : j’ai envie d’un lieu plus événementiel avec plus de service. Et cela sans renier notre ADN : un dressing pointu, identifiable mais pas trop cher. Un tee-shirt à 10 euros ce n’est pas normal mais un tee-shirt à 120 euros ce n’est pas possible non plus même s’il est eco-friendly. Cette dimension responsable est au cœur de mes choix, que ce soit dans la sélection des designers qui représentent 50 % de notre offre que pour nos propres collections qui pèsent 50 % dans notre vestiaire. J’ai toujours privilégié la durabilité avec des pièces qui font partie de la collection depuis des années. Nos bests comme les blazers BEA, le Eva Padded Shoulder T, sont des icônes jamais soldées. Pour moi, la mode ne doit pas être jetable. Notre responsabilité est aussi d’alléger notre impact sur l’environnement. Depuis cette année nos chemises LUI sont certifiées GOTS. Et même si nous avons encore quelques partenaires en Corée du Sud, nous rapprochons toutes notre production de nos lieux de vente. Et évidemment, il y a encore de nombreux projets : l’ouverture courant 2023 d’une boutique à Londres ou encore la création d’un univers enfant que j’ai déjà un peu testé.